L’expérience acquise permet de dégager un certain nombre d’invariants didactiques dans le cadre de l’enseignement des disciplines de l’Économie et Gestion.
1 - Des objectifs explicites à chaque séance : ils peuvent être notionnels ou méthodologiques et doivent être annoncés, situés, explicités à l’élève[1]. L’explicitation est reconnue comme essentielle dans les travaux les plus récents de la recherche[2]. Les objectifs sont à définir à partir du programme concerné.
2 - La prise en compte ou la création de représentations mentales chez l’élève ancrées dans le réel. Le réel constitue le matériau de base de nos enseignements. Les contextes proposés aux élèves doivent se rapprocher du réel tant dans l'objet étudié que dans la problématique soulevée par l'étude de ce réel.
Dans certains cas, il faut déconstruire ces représentations pour les remplacer par des connaissances savantes. On peut placer l’ élève devant un « conflit cognitif », c'est-à-dire une contradiction entre ce qu'il pense « naturellement » et la réalité des choses. On peut aussi lui proposer une problématisation à laquelle les activités permettront de répondre par une maitrise des concepts. Dans d'autres cas, il faut créer ces représentations (visite d'entreprise, vidéos, dialogue pédagogique, textes, iconographie…).
3 - Des scénarios d’apprentissage motivants qui visent et permettent l’atteinte de ces objectifs : chaque activité doit explicitement viser un ou plusieurs objectifs. La mobilisation des élèves est une condition nécessaire aux apprentissages ; ce n'est pas une condition suffisante, voir infra.
4 - La mise en activité intellectuelle des élèves autour de tâches plus ou moins complexes (notamment l’argumentation, l’analyse de contexte et la résolution de problèmes ou de cas pratique). Elle vise le plus souvent l'acquisition, la construction ou la mémorisation de concepts. Elle doit être diversifiée dans les moyens mis en œuvre.
Les élèves n'ont pas forcément conscience du travail réel que demande l'accomplissement d'une tâche. Ils peuvent lire un texte (oraliser) sans comprendre une partie du vocabulaire ou percevoir les nuances ou les contradictions. Certains élèves réduisent la lecture à l’identification successive des mots, [...]. De même, ils peuvent visionner une vidéo en se laissant guider par les images sans que celles-ci ne fassent sens.
Élaborer une pensée suppose une prise de position (ils n'aiment pas cela) fondée sur des arguments. Il faut nécessairement un engagement cognitif de l'élève dans cette tâche.
Le mécanisme de réflexion est rarement montré à l'élève. Il est d'ailleurs souvent implicite chez l'adulte. Nous avons tout intérêt à le rendre visible, perceptible par l'élève, de la même façon que le tutoriel Youtube montre, à partir des ingrédients et de la recette (la méthodologie) la réalisation d'une recette de cuisine jusqu'au résultat final (le corrigé).
5 - La compréhension du mécanisme de conceptualisation
On doit d'abord distinguer l'utilisation pertinente d'un concept de la capacité à définir un concept. Il faut ensuite considérer que la fixation du concept (de la connaissance) dans la mémoire longue ne s'opère le plus souvent que par la répétition et la multiplication de ses occurrences et illustrations. La conceptualisation est donc un processus permanent (ce processus est d'ailleurs constitutif des représentations mentales).
6 - Le développement de l’autonomie est l'une des premières conditions de la réussite dans l'enseignement supérieur. Cette autonomie se construit sur les deux années du cycle terminal. Les activités des élèves, seuls ou en groupe doivent être guidées (méthodologie, ressources, exemples) mais progressivement, à mesure que les tâches demandées sont plus complexes, l'élève doit disposer d'un temps personnel ou en interaction avec ses pairs pour la réflexion, la recherche, l'hésitation…
7 - La valorisation de l’élève
L'estime de soi est l'une des conditions de la réussite individuelle des élèves. Cette valorisation passe aussi par le sentiment de fierté (appartenance à un groupe, voie de réussite, apprentissages complexes, objet d'études spécifiques…). Le rôle de l’enseignant est déterminant dans la construction ou la reconstruction de l’estime de soi de l’élève, en instaurant un climat de classe propice à la confiance, en proposant des tâches et des étayages adaptés aux capacités de l’élève, en apportant régulièrement des rétroactions personnalisées et élaborées, portant sur l’atteinte des objectifs et soulignant les progrès.
8 - Le dialogue pédagogique favorise l’interaction entre les élèves et entre les élèves et le professeur. Le professeur ne doit pas être le seul à détenir « la bonne réponse » même si, in fine, il est le maitre, détenteur du savoir. On peut, dans la mesure du temps disponible, faire interagir les élèves pour obtenir une production collective de cette « bonne réponse ».
9 - Des évaluations progressives qui permettent l’analyse réflexive de son travail par l’élève. Il faut développer la capacité de l'élève à évaluer son travail ou son activité en lui explicitant les descripteurs de réussite de la tâche. Les tâches demandées doivent être d'une difficulté progressive au cours des deux ans. On ne peut évaluer des élèves au premier trimestre de première avec les exigences de la certification en fin de terminale. A minima, la connaissance de la taxonomie de Bloom par les enseignants est nécessaire pour leur permettre de former leurs élèves à l'analyse des tâches demandées.
10 - Améliorer la maitrise de l'oral
Un travail spécifique sur la communication orale doit être mené. Une attention particulière doit être donnée à la prise de parole (communication interpersonnelle, communication de groupe). Des exercices progressifs doivent permettre à l’élève d’acquérir les compétences orales nécessaires à la réussite l’étude de gestion en fin de première et du Grand Oral.
11 - L'usage pertinent du numérique
Dans le cadre des enseignements d’Économie et Gestion, le recours au numérique est une évidence, tant dans les outils de gestion que dans les outils de communication. Une réflexion sur la pertinence de cette utilisation est nécessaire afin que les élèves puissent en comprendre l’intérêt dans l’apprentissage mais également afin qu’ils acquièrent un regard critique sur les biais qu’ils présentent.
[1] L’enseignant peut considérablement faciliter l'engagement dans un apprentissage par la manière dont il construit les activités ; une tâche mal planifiée, trop complexe ou trop difficile, risque de produire des sentiments métacognitifs défavorables à l’effort des élèves. La familiarité avec une activité, la ritualisation des tâches, la bonne structuration des activités, ou encore un niveau de difficulté adapté contribuent à former des attentes positives chez les élèves, et les aident à utiliser leur métacognition de manière plus fine et plus efficace.
Les enjeux pédagogiques de la recherche 2019 par Joëlle Proust, membre du Conseil scientifique de l’éducation nationale.
[2] https://www.reseau-canope.fr/education-prioritaire/fileadmin/user_upload/user_upload/actualites/enseigner_plus_explicitement_cr.pdfhttps://www.reseau-canope.fr/lenseignement-explicite.html